13.01.2023 - Publications

Les rencontres M&A, décembre 2022

Si des records historiques ont été battus l’an passé, l’avenir s’annonce plutôt sombre sur le marché des fusions-acquisitions. En cause, un contexte social et géopolitique pour le moins tendu. « 2022 a été un très bon millésime pour les entreprises, mais nous arrivons au moment où, dans les dessins animés, le personnage a sauté d’une falaise et pédale frénétiquement dans le vide pendant quelques instants avant de s’écraser », a ainsi illustré François Henrot, special senior advisor chez Rotschild & Co, lors des Rencontres M&A d’Option Finance qui se sont tenues le 1er décembre dernier dans les salons de l’Hôtel des arts et métiers à Paris. Pour lui, une chose est sûre : les opérations de M&A vont être de plus en plus difficiles à bâtir, à financer et à exécuter. Pour preuve, les autorités de la concurrence qui se durcissent des deux côtés de l’Atlantique et qui, selon lui, prennent désormais pour analyser les deals des lunettes de plus en plus « myopes et nationalistes ». En témoigne notamment le rejet de la fusion M6/TF1 en France. « Quand ce ne sont pas les autorités de la concurrence qui bloquent les opérations, ce sont les Etats au nom de la protection de la souveraineté », a ajouté celui qui prédit notamment le grand retour des acheteurs américains et du restructuring en Europe, le développement du conseil indépendant en financement, la poursuite de l’extension du private equity, et enfin la raréfaction des « éléphants du M&A », à savoir les OPA, fusions et LBO, au profit de petites et moyennes transactions aux financements plus accessibles. « Nous sommes clairement à la fin d’un rêve, celui d’un monde d’argent dit “magique” », a-t-il conclu. « Le retour au réel est brutal et ne fait que commencer. »

 

Marché des fusions-acquisitions en 2022-2023 : quelles nouvelles tendances ?Quelles stratégies de croissance et de financement des entreprises ?

Avec de gauche à droite : Marc-Elie Bernard, directeur des fusions et acquisitions, Edenred ; David Chekroun (modérateur), professor of International Business Law, ESCP Business School ; Antoine Grenier, associé, responsable Corporate Finance, PWC France & Maghreb ; Stéphane Huten, associé, Hogan Lovells ; Jean-Michel Noé, directeur M&A Groupe, Korian ; Marie-Hélène Tonnellier, associée fondateur, Oyat Avocats

Après une année 2021 fructueuse, le marché du M&A subit de plein fouet les effets du contexte géopolitique et du durcissement économique. Entre volatilité des marchés, inflation des prix et incertitude croissante, le point sur les impacts présents et à venir sur les opérations.

Une chute de 20 %. C’est, selon la dernière étude du cabinet PwC sur les opérations de M&A dans le monde, la baisse subie cette année par le marché par rapport à 2021. « C’est l’Asie qui souffre le plus », indique Antoine Grenier, associé chez PwC France & Maghreb. « Sur la zone EMEA, on est à – 12 % en volume et – 30 % en valeur. » Parmi les secteurs qui s’en sortent le mieux, ceux de la TMT, de la santé ou encore de l’éducation. Stéphane Huten, associé chez Hogan Lovells, souligne pour sa part un marché qui se tend après trois années marquées par une forte vitesse d’exécution. « Depuis la rentrée, le marché reste résilient mais le large cap commence à montrer des signes de faiblesse, notamment sur le financement », souligne-t-il. « On passe d’un monde de vitesse à un monde de finesse, d’un marché rapide et facile à un marché où il faut davantage prendre le temps de regarder les actifs et faire du sur-mesure pour chaque deal. »

Hausse du coût de la dette

Des structurations et des négociations plus longues et compliquées, donc, comme le remarque également Marc-Elie Bernard, directeur M&A chez Edenred. « Nous avons à la fois des acheteurs qui deviennent très prudents, et des cédants qui n’ont pas forcément révisé leurs attentes de prix. Par conséquent, beaucoup d’opérations ne sont pas menées à leur terme », détaille-t-il. Jean-Michel Noé, directeur M&A de Korian, relève deux choix pour la suite : « Sortir du deal, ou faire le gros dos en espérant que 2023 ne soit pas la plus grosse crise économique et financière comme certains économistes le prédisent. » Antoine Grenier assure de son côté que l’un des effets directs de l’inflation est l’augmentation du coût de la dette. « Nous étions dans un monde idéal d’argent facile, mais il est aujourd’hui de plus en plus compliqué d’aller chercher de la dette », observe-t-il. « Cependant, des solutions alternatives existent et lorsque les actifs sont de qualité, il y a des prises fermes. » Concernant les valorisations, si l’associé ne constate pas de « chute dramatique » pour le moment, une érosion des valeurs est à prévoir.

Un marché plus sophistiqué

Les questions réglementaires, notamment dans le secteur de la tech, participent à cet allongement des deals. « Il y a actuellement une sensibilité accrue sur les problématiques de transfert des données », affirme Marie-Hélène Tonnellier, associée fondatreur d’Oyat Avocats. « Les sanctions des autorités de contrôle ont sensiblement augmenté. Par ailleurs, les audits sont de plus en plus ciblés sur les éléments à risque, afin de s’assurer par exemple de la robustesse de certaines applications en matière de cybersécurité. » Sur l’ingénierie juridique en elle-même, l’avocate note des nouveautés liées au digital, mais également davantage de subtilités dans les clauses. L’enjeu, désormais, est de parvenir à gérer l’incertitude. « Nous assistons au retour d’outils juridiques visant à projeter un enjeu dans le temps et à faire du sur-mesure : prix ajustés, garanties, earn-out, clauses de protection de l’earn-out, etc. », liste Stéphane Huten. « Cela devrait permettre de passer la vague plus aisément qu’auparavant. Le marché s’est beaucoup sophistiqué depuis la crise économique de 2008. » Selon l’avocat, pour réussir sa croissance externe, il faut avant tout choisir ses combats et être plus pragmatique. « Il faut également rester à l’affût des opportunités, se montrer plus prudent sur son business plan et rester flexible », ajoute Jean-Michel Noé. A bon entendeur.

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